On fait souvent passer les Centuries de Nostradamus comme une œuvre obscure
et floue, à laquelle on peut faire dire ce que l'on veut.
Prophétique, certes, elle l'est par son style, sa motivation, et les
images que Nostradamus emploie, pour nous rappeler le passé - et ainsi éclairer
l'avenir -. Mais elle est tout autant d'une précision extraordinaire,
contrairement aux idées préconçues. On est extrêmement loin des prédictions des
visionnaires de la même époque, sur l'œuvre desquels les critiques fondent
couramment leur jugement. Ici, rien de commun avec ces quelques phrases vagues
et à double sens, et cela pour plusieurs raisons:
- Tout d'abord la richesse des détails, dans chaque quatrain, laisse peu de
doute sur le contexte, et le sens de l'événement. Chaque prédiction en effet
est formée de quatre vers, qui la situent dans un contexte très précis, en fait
la coïncidence de plusieurs événements touchant en même temps plusieurs pays.
En plus de cela, chaque quatrain regorge d'autres détails et d'allusions qui ne
doivent rien au hasard; on y trouve en effet ces précisions étonnantes, ces
noms propres et ces jeux de mots troublants, qui ont tellement enthousiasmé et
convaincu les lecteurs des Centuries. Si de nombreux interprètes se sont
souvent fourvoyés en occultant certains mots obscurs qu'ils ne comprenaient
pas, à l'inverse, grâce à ceux-ci, tous les commentateurs sérieux se
rejoignent, et c'est heureux, sur l'interprétation de nombreux quatrains.
Cette interprétation des quatrains ne peut se faire évidemment, pour
qu'elle ait une quelconque valeur, que d'une façon simple et rationnelle. Les
avis des interprètes sensationnalistes des Centuries peuvent être mis en doute.
Ecoutons plutôt les résultats de travaux plus
aboutis, comme la première interprétation de l'intégralité des Centuries, qui a
le mérite de reconnaître tous les événements du passé effectivement prédits par
Nostradamus, et qui est donc une mine d'exemples "spectaculaires".
Parmi les nombreux quatrains nouvellement compris, citons le VIII.56:
La bande foible le terre
occupera
Ceux du hault lieu feront horribles cris,
Le gros troupeau d'estre coin troublera,
Tombe pres D. nebro descouvers les escris.
Le contexte est étonnant: un grand nombre ("troupeau") de
faibles gens occuperont un nouveau pays autour d'un "haut lieu": les
Lieux Saints. On dit souvent que Nostradamus veut embrouiller les lecteurs. Le
quatrième vers est pourtant une confirmation du lieu: Nebo
est la montagne célèbre qui fut le lieu de la mort de Moïse, près de la Mer
Morte. Mais les nouveaux arrivants y connaîtront la guerre. Détail
extraordinaire: dans une fosse ("tombe"), on découvrira
des "écrits".
On trouve ici une prédiction aux "exigences" exceptionnelles:
un exode massif, dans un lieu précis, accompagné d'événements guerriers très
clairs, et... en même temps qu'une découverte archéologique insoupçonnable. Les
témoins des années 1546 et 1547 n'imaginaient même pas que ces
"écrits"... aient simplement existé. Voici pourtant ce qui se
passa alors:
Les réfugiés arabes dans la bande désertique de Gaza causeront un
conflit entre la grande masse des arrivants juifs sur la Terre Promise, et les
pays voisins. En effet, tandis que la nouvelle capitale de l'État d'Israël,
Jérusalem, sera secouée par le terrorisme sionisme, et que les Anglais
établiront leur plan d'évacuation de la Palestine, la Ligue arabe déclarera
qu'elle s'opposera par la force à l'établissement d'un État Juif. La même
année, on découvrira dans une grotte... les fameux "Manuscrits de la
Mer Morte".
Comme pour les quatrains les plus célèbres, le langage réputé "obscur et confus" de Nostradamus se révèle en fait très clair, et surtout regorgeant de détails extrêmement précis. Si bien que ce n'est jamais UN événement qui est prédit dans un quatrain, mais plusieurs. La coïncidence de ces événements dans l'Histoire écarte très notablement toute intervention du hasard dans la rédaction des Centuries. (Remarque: on trouve plus haut sur ce site d'autres interprétations de quatrains, célèbres ou nouvelles).
On peut s'en remettre à ce sujet aussi à un autre scientifique, le
célèbre Yves Lignon, chercheur qui dirige le Laboratoire de Parapsychologie de
la faculté de Toulouse. Voici ce qu'il écrit à propos des Centuries:
"Il existe dans les "Centuries" quelques quatrains
contenant des vers parfaitement clairs et se lisant facilement même écrits en vieux
français. Ces quatrains décrivent explicitement un petit nombre de faits
historiques précis qui se sont déroulés après la mort de Nostradamus. Tout le
problème, l'énorme problème scientifique posé par Nostradamus est là dans ces
pépites d'or pur au milieu de la boue et les excités du rationalisme d'un côté,
les charlatans les vrais de l'autre, n'y pourront rien changer. (...) En
poussant jusqu'à l'intolérable la rigueur mathématique je ne retiens que six
quatrains. D'autres pourraient s'y ajouter à condition de donner un petit coup
de pouce, souvent très léger, peut-être même quelquefois justifié mais je ne
veux considérer que ce qui se lit tout seul et qui est plus que
suffisant. (...)
Dans "Vingt ans après" Alexandre Dumas évoque avec lyrisme et
sensibilité la guerre civile anglaise qui opposa entre 1642 et 1649 le parti
parlementaire aux royalistes fidèles à Charles Ier Stuart et se termina par
l'exécution du roi condamné à mort par le Parlement. Un peu moins d'un siècle
plus tôt Nostradamus écrit "Sénat de Londres mettront à mort leur
roi", second vers du quatrain 49 de la centurie IX, dont la clarté et la
concision exceptionnelles décrivent à l'avance un événement unique
dans l'histoire."
Revenons sur ce cers de Nostradamus, parmi les quatrains célèbres qui
sont évoqués par Yves Lignon. Les critiques de Nostradamus pensent qu'on peut
annoncer tout événement et qu'il se produira un jour. Il est impossible de le
prouver d'une part, et il est bien difficile de le soutenir même seulement d'un
point de vue probabiliste: si Nostradamus avait écrit "un pays mettra à
mort son roi", ce serait une chose, mais ce n'est pas le cas. En 500 ans
il n'y a a eu que 2 pays d'Europe à avoir mis à mort
leur roi; Nostradamus avait déjà, en citant l'Angleterre, environ 1 chance sur
10 d'avoir raison, soit aussi...9 chances sur 10 de se tromper!... Ensuite la
mort aurait pu être donnée dans 4 ou 5 autres conditions, soit peut-être 3
chances sur 4 de se tromper en prédisant que c'est le sénat qui se prononcera.
Enfin il est un détail à ne pas négliger: l'Angleterre pouvait avoir à sa tête
une reine à ce moment, comme du temps de la rédaction des Centuries. Rien que
pour cela Nostradamus, en prédisant un événement au hasard, aurait eu une
chance sur 2 de se tromper! Rien que pour ce vers, la réalisation d'un tel
événement, "unique dans l'histoire", comme l'écrit Yves Lignon, ne
peut être que de l'ordre d'une chance sur 80! Mais pour ce seul vers de ce seul
quatrain! Il y a plus de 1000 quatrains de cette sorte dans les Centuries...
- Un deuxième élément est à prendre en effet en considération: le fait
qu'il n'y a pas seulement quelques quatrains qui se rattachent à des faits
historiques déjà réalisés, mais des centaines. Dans "Nostradamus: les
Centuries", de Marc Luni, déjà évoqué plus haut,
on propose la traduction de l'intégralité de ces prédictions, dont plus des
trois quarts se sont réalisées dans le passé, ce qui est particulièrement
intéressant. Il y apparaît donc que le médecin de Salon de Provence peut se
vanter d'avoir annoncé non pas un événement exact, mais près de mille
événements qui se sont effectivement réalisés. Dans les Centuries, on compte en
effet 1024 quatrains, dont aucun ne ressemble à un autre. Il ne s'agit pas
d'une longue prédiction écrite en 1000 quatrains, mais bien d'un ensemble
cohérent de plus de 1000 prédictions.
Ceci a une grande portée du point de vue probabiliste. En effet,
imaginons qu'il y ait une chance sur deux pour que se produise un fait aussi
précis que ceux prédits plus haut. Il n'y a plus qu'une chance sur quatre pour
que, par exemple, le premier quatrain ET le deuxième correspondent à un
événement inventé, mais qui est réellement advenu. Et il n'y a déjà plus qu'une
chance sur 1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 pour que la réalisation des
cent premières prédictions ne soit due qu'à l'inventivité de leur auteur. En
fait, la réalisation effective des 10 premiers quatrains d'une Centurie suffit
à montrer que l'ensemble de l'œuvre ne doit rien au hasard.
Il apparaît donc que les Centuries ne sont pas des prophéties vagues et
simples, dont on attend la réalisation, mais des quatrains qui regorgent de
précisions étonnantes auxquels l'Histoire, plutôt qu'aux a priori, vient
donner raison.
Ces coïncidences et ces détails troublants, sont autant d'hommages à la
valeur prophétique des Centuries.
À travers ces mille quatrains, on voit écrits effectivement tous les
événements, toutes les anecdotes, tous les progrès de l'Histoire, et avec une
répartition dans le temps étonnante de régularité (voir le graphique de cette
répartition dans le livre cité plus haut) et avec une proportion assez
étonnante de prophéties très précises, regorgeant de détails, et qui se sont
pourtant déjà réalisées depuis la Renaissance :
Avec la
traduction intégrale des Centuries s'ouvre donc peut-être une toute nouvelle
perception de l'œuvre, et du talent de Nostradamus.
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