Parmi les nombreuses
lectures et interprétations des Centuries, rares sont celles qui ne sont pas
convaincues du talent prophétique de leur auteur. Chez les sceptiques aussi,
les a priori font loi. Mais aucune des deux catégories ne se pose réellement la
question de savoir ce que Nostradamus, voyant ou charlatan, a annoncé
concernant leurs travaux.
Dès l’introduction à
son œuvre pourtant, le médecin et astrologue provençal pressent critiques et
censures, et annonce que peu de lecteurs trouveront ses prophéties
"accordant à leur fantaisie auriculaire" (dixit). Il met en garde
contre les manipulations, les erreurs et les doutes, mais assure que chaque
événement annoncé sera reconnu après la réalisation de ces "adventures advenues infailliblement". On ne peut jusqu’ici
que lui donner raison: de très nombreux travaux d’exégèse ont mille fois
"torturé" ses vers, mais au fur et à mesure que l’Histoire se
déroule, des quatrains toujours plus nombreux et extrêmement troublants ont
continuellement défrayé la chronique.
Enfin et surtout,
Nostradamus prédit également que ses textes seront un jour correctement
interprétés: "nonobstant que sous nuée seront comprises les intelligences,
mais quando submovenda erit ignorantia": lorsque l’ignorance
aura été dissipée.
Les Centuries de
Nostradamus commencent en insistant sur ce point:
Etant
assis de nuit secret étude,
Seul reposé sur la selle d’aerain:
Flambe exigue sortant de sollitude,
Fait prosperer qui n’est à croire vain.
Littéralement: une
petite flamme fait réussir un travail, des prédictions, qu’il ne faudra pas
croire vaines.
Il va encore plus loin
dans la précision avec le quatrain III.26:
Des Roys & Princes dresseront simulacres,
Augures, creuz eslevez
aruspices:
Corne victime doree, & d’azur, d’acre,
Interpretez seront les extipices.
Le
livre "Nostradamus intégral" explique le vocabulaire de ce quatrain. Voici
comment on peut le lire finalement: On
fera des marionnettes des gens importants. On peut comprendre qu’on y verra un
présage, en ce sens que les hommes politiques ne paraîtront guère plus. Dans le
même temps on verra un retour en force de l’irrationnel ("augures
crus", "haruspices") et un pays du Caucase, la Tchétchénie (dont
le Taureau est le signe, d’où le terme de "corne"), sera la victime d’une
puissance dont le drapeau est blanc, bleu, rouge: la Russie. Alors les
Centuries seront traduites.
Force
est de constater que c’est effectivement ce qu’il s’est passé il y a quelques
années (1995-1998) : l’âge d’or des « Guignols de l’Info » de
Canal + à l’époque de la Présidentielle de 1995, la crise de confiance
dans la classe politique qui a causé une cohabitation à peine 2 ans après l’élection
du nouveau président, et exactement en même temps l’invasion et l’écrasement de
la Tchétchénie par la Russie et la publication de la première traduction
intégrale des Centuries.
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